Quantcast
Viewing latest article 1
Browse Latest Browse All 9

Critique – Crisis

J’ai eu l’occasion de participer au GN Crisis organisé les 5 & 6 novembre à Saint-Paterne Racan (37) par l’association Dreamcatcher, traditionnellement plus versée dans l’Airsoft scénarisé que le GN. Dans le cadre de ce jeu, Dreamcatcher a été largement soutenue par le toujours débonnaire Stéphane Chapuis, qui a pris en charge l’écriture du jeu.

Le présent billet se veut moins une critique d’un GN donné qu’une réflexion plus générale sur la cohabitation entre le GN et l’Airsoft. Comme cette réflexion demeure une perception personnelle (donc incomplète et partielle) d’une seule et unique expérience, je n’entends pas lui donner une valeur générale et absolue : c’est seulement un témoignage, mais je crois qu’il peut apporter des réponses à d’autres acteurs du GN ou de l’Airsoft, s’ils s’interrogeaient sur la pertinence de la rencontre entre les deux loisirs.

Ce témoignage sera également l’occasion de faire un peu de pédagogie, ce blog se destinant plutôt à de « purs » GNistes, sans expérience de l’Airsoft. En tout cas, c’était mon cas. Ce préambule très sérieux établi, nous nous autoriserons par la suite un ton plus léger et convivial. Certaines références ne sont pas destinées à un public né après 1981. Tant pis pour lui.

GN+Airsoft : noces de latex et de plastique

Sur un plan strictement technique, c’est une rencontre qui fonctionne très bien, pour peu qu’on garde à l’esprit les contraintes liées à l’emploi des répliques.

Si ce dernier mot vous intrigue, c’est que, comme moi il y a encore quelques semaines, vous n’aviez jamais fréquenté d’Airsofteur. Et qu’en bon ignorant, vous auriez dit flingue, gun, arme, pétoire, soufflant ou encore matos à viander, non sans prendre une posture rappelant l’affiche de Rambo III, en affichant un sourire carnassier et conquérant. Eh bien non, on ne dit pas arme, car ce n’en sont pas. Ce sont des répliques, et on ne se tue pas vraiment. On s’élimine, voire on se retire mutuellement, mais on ne se tue pas. 

Les contraintes liées aux répliques, donc : pour éviter de revenir d’un jeu avec Airsoft avec un oeil en moins, il est utile de porter des lunettes obéissant à des normes de sécurité. Ces lunettes existent dans des modèles variés et des coloris chamarrés, qui permettent a priori de se fondre discrètement dans n’importe quel univers contemporain / futuriste / post-apo / space-opera kitsch / cyber-kéké sans aucun problème. Comme ce sont des univers dans lesquels la question de la simulation des armes à feu se pose souvent, sachez-le : utiliser les lunettes comme prétexte esthétique pour ne pas recourir à l’Airsoft relève de la mauvaise foi (ou de l’ignorance). Parce qu’en plus, des lunettes, ça ne coûte pas cher (prix de départ autour de 10€, modèles déjà très satisfaisants autour de 15/20€).

 

Image may be NSFW.
Clik here to view.
lunettes-airsoft-gn-1.jpg

 

Plus avant : le seul contexte de jeu avec problématique « armes à feu » qui ne puisse pas se satisfaire des lunettes, c’est le Western. Espérons seulement qu’un fabricant lira ces lignes et se décide à concevoir une gamme de lunettes « OK Corral ready », et de voir enfin colts, peacemakers et winchesters (déjà disponibles, eux) s’exprimer en liberté. Car côté répliques, le choix ne manque pas : il semble possible, en survolant rapidement les boutiques en ligne et les catalogues de magasins spécialisés, de trouver absolument toutes les répliques adaptées à votre univers de jeu. Ce sera ensuite une question de budget : par exemple, même un petit Derringer, vous savez, ce tout petit pistolet pour dames, coûte beaucoup plus cher que ce que laisse entendre sa capacité de minutions (2 balles).

Ah non, pardon, les balles ça tue, on parle alors de billes. BILLES. Pardon, refera plus. Pour finir sur les lunettes, vous pouvez y aller les yeux fermés.

Maximum Double Gunfight Impact (100% safe)

 

Glissons doucement de la technique vers la mise en scène, en revenant sur les répliques : pendant plastique, métal et bois de la bonne vieille épée en mousse du GNiste, la réplique porte bien son nom : on s’y croirait. L’Airsoft a ce premier avantage de favoriser l’immersion, avant même d’avoir tiré la moindre bille. Lorsque s’approche de vous un personnage équipé avec de quoi envahir, seul, un petit pays africain ; quand ledit équipement vous fait drôlement penser au dernier action movie que vous avez visionné en cachette et en VHS, dans le secret de votre chambre d’adolescent attardé. Quand vous constatez avec effroi que ledit personnage se meut, court et s’exprime avec autant d’aisance que vous en costume trois pièces de corporate, contrairement au paladin-tank dont il est l’évolution moderne, tout ceci grâce à des gilets tactiques, des sangles, des housses ergonomiques, des pantalons contenant plus de poches que Ikari Warriors ne contient de niveaux, eh bien… vous y croyez. Qu’il est loin, le pauvre type en combi de peinture kaki / super soaker qui tente vainement de se faire passer pour un Sergent du Corps des Marines ! L’Airsoft se veut réaliste, vous allez être servis.

 

Image may be NSFW.
Clik here to view.
aisoft-replique-gn.jpg

 

Et quand la fusillade éclate, on n’est plus immergé, on est noyé : crépitement de l’air comprimé, impacts des billes plastique sur toutes les surfaces offertes à la générosité des tireurs, sifflement dans les oreilles, sensation de douleur à l’impact qu’on ne saurait ignorer, chargeurs qui s’éjectent, takakakata caractéristique du fusil d’assaut AK-47, oh ?! une grenade ? Non, ça doit être considéré comme une arme de jet, ça va pas pét… ah si, tiens. Franchement, pour avoir testé à peu près tous les systèmes connus pour simuler des armes à feu, du pétard+fair-play à l’infrarouge en passant par le nerf et le paintball, aucun n’arrive à la cheville de l’Airsoft pour la qualité d’immersion « dans l’action ». À la rigueur, le paintball fournit des sensations proches, mais comporte trop d’inconvénients pour supporter favorablement la comparaison. Non, vraiment, pour se flinguer en toute sécurité, l’Airsoft, c’est de la bal… non, de la bill… enfin, c’est vraiment superbement adapté au GN.

 

Image may be NSFW.
Clik here to view.
aisoft-gn-crisis.jpg

 

L’Airsofteur, cet être mystérieux et mal connu, vit et se reproduit dans les prairies boisées et les réseaux souterrains où ses capacités de camouflage rendent son approche délicate. 

Histoire de tordre le coup à certains clichés, l’Airsofteur n’est pas necessairement un maniaque de la gâchette dont le plaisir se mesure à la hauteur du tas de billes tirées qui ensevelit sa pauvre cible. Sur le GN Crisis, très peu de billes ont été tirées, sans que cela ne soit reproché, pendant ou après le jeu, par les Airsofteurs. La fusillade à tout crin n’est donc pas l’objectif premier de l’Airsofteur.

Ce n’est pas non plus pour faire prendre l’air à son arsenal et faire le beau auprès de ses petits camarades de jeu. Avant le jeu, en effet, plusieurs GNistes sans équipement ont demandé gentiment si du prêt de matériel était possible. A ma grande surprise, compte tenu du prix moyen des répliques, des airsofteurs ont bien voulu prêter leurs si chères répliques. Et pas uniquement à des jeunes et jolies GNistes fortes d’arguments féminins. Le tout en prenant le soin d’expliquer, courtoisement, les règles de sécurité, l’entretien, le dépannage, le fonctionnement… Pour ça, képi bas aux Airsofteux. Les GNistes ont des leçons à prendre : qu’un débutant débarque sur un forum de GN et demande (même poliment) qu’on lui prête une arme en mousse, il n’aura pas cet accueil là. Ni la « formation » pour débutant, ni les conseils, bref, l’Airsoft est accueillant là où le GN est au mieux, condescendant, au pire, hostile.

J’ai trouvé quelques autres qualités récurrentes chez les Airsofteurs, très appréciables : en bons petits soldats très habitués à respecter sérieusement des consignes de sécurité toutes aussi sérieuses, les Airsofteurs ont une capacité à apprendre sérieusement les règles du jeu, non sans s’interdire de poser des questions sur les points restés flous, sans pour autant partir dans un harcèlement loufoque, voire déplacé. Fair-play, auto-discipline, convivialité, un public rêvé pour de nombreux organisateurs.

 

Image may be NSFW.
Clik here to view.
sympa-airsoft-gn.jpg

 

Et puis aussi quelque chose qui m’a bluffé : il y a des rôles en GN qui font fuir les joueurs qui ont un peu de bouteille. Gardiens de porte ou du corps (il se reconnaîtra, je suis votre débiteur reconnaissant, MONSIEUR Cooper), soldat lambda dans une troupe de plein, tous les rôles d’accompagnement et de soutien, subordonnés à autrui, d’une façon générale. J’ai pu constater que ces rôles-là, les GNistes ne les « tiennent » souvent pas comme il faudrait : parce que ce sont des rôles pas très ludiques, parce qu’il faut attendre le bon vouloir, la disponibilité de son supérieur pour agir, parce qu’on n’est pas libre de ses mouvements, etc… En résumé, des rôles qui ne permettent pas de briller individuellement, des rôles d’attente, d’escorte, de second plan. Le GN Crisis m’aura permis de comprendre que le monde n’est pas peuplé que de kékés plus préoccupés par leur gloriole personnelle que par le respect de leur rôle. L’Airsofteur semble avoir un talent, une forme de rigueur personnelle, pour remplir ce type de rôle (mais pas que, hein, ne me faites pas dire ça) avec grande application, avec grand talent. Peut-être parce qu’il a cette culture du jeu d’équipe, du fair-play, de la hiérarchie dans le squad / commando / troupe / groupe d’intervention, il prend la place qui lui est donnée, et il la joue sans chercher à outrepasser son rang à tout prix, surtout quand le jeu ne lui en offre pas la possibilité. Venant du GN, où c’est souvent concours de kéké-tte permanent, ça m’a séduit, vraiment.

Alors, tout est rose au pays du camo ? 

Non, pas tout à fait. Il faut bien admettre que les Airsofteurs, malgré leurs nombreuses et importantes qualités, ont encore quelques lacunes, essentiellement sur deux points.

D’abord, ce sont des joueurs habitués par leur pratique de l’Airsoft à des environnements de jeu « WYSIWYG« , soit what you see is what you get, la formule consacrée pour désigner des modes de jeu réalistes, avec un minimum de signalétique et de symbolique « hors-jeu ». Par exemple, avant et pendant le jeu, malgré moults explications, on a constaté que beaucoup d’Airsofteurs avaient du mal avec le système de « chouchous » équipant chaque arme, pardon, réplique, « active », c’est à dire existant réellement dans l’espace de jeu. Système qui permet, entre autres choses, de simuler le vol des équipements sans vraiment voler d’autres joueurs : il suffit de voler le chouchou et d’équiper une arme à soi, jusque là inactive, pour simuler le changement de propriétaire. Est-ce vraiment une lacune ? Certaines règles de GN paraissent intuitives à des joueurs habitués à faire semblant ; si elles sont compliquées pour les autres, c’est peut-être aussi qu’elles ne sont pas si bonnes que ça, ces règles… Autre débat que nous ne règlerons pas ici maintenant.

Mais surtout, amis Airsofteurs, vous êtes encore un peu verts, un peu jeunes, un peu renfermés, sur le plan de l’interprétation du personnage. Lâchez les chevaux, les amis, enlevez le frein, débridez-vous. Le GN, avec Airsoft ou pas, ce n’est pas la réalité, et on n’y joue pas (que) des personnages aussi réalistes que vos répliques. Le temps de jeu est trop court, les occasions de jouer trop rares, pour ne pas jouer à fond ses personnages. Un personnage, ça n’est pas une contrainte, c’est une ressource, et elle se renouvelle à chaque jeu. Sachez vous l’approprier, le faire vivre, ressentir et vibrer à travers ce masque éphémère. C’est par là que, à mon sens, se trouve le plus et le mieux, en matière de ressenti, d’expérience.

Image may be NSFW.
Clik here to view.
tim-airsoft-gn.jpg

Nous n’avons pas le même treillis, mais nous avons la même passion.

 

Si j’osais une comparaison imagée, je dirais que si le GN est un film de cape et d’épée, vous êtes des membres de l’équipe olympique d’escrime de Corée du Nord. Être performant, équipé, entraîné, discipliné, c’est bien. Mais ça ne fait pas rêver les ménagères dans les chaumières. Et il ne suffit pas de mettre un collant et un chapeau à plumes pour emballer Gina Lollobrigida après avoir pourfendu l’ignoble Rochefort au cours d’un duel épique : un sourire, un bon mot, quelques tourments, une larme, une mèche rebelle, quelques failles apparentes, voilà la différence entre le bon et l’inoubliable.

Nombreux parmi vous ont prouvé que vous étiez tout à fait aptes au GN. Pour ainsi dire, je pense même que de nombreux Airsofteurs pourraient donner des leçons de bonne préparation et de bonne conduite à un grand nombre de GNistes prétendument aguerris. Laissez-nous vous rendre la politesse et vous guider sur la voie du personnage, du roleplay, du « spectacle vivant et interactif » que peut être le GN. Je pense sincèrement, à nous voir évoluer côte à côte, que si nos chemins d’accès sont différents, nos buts sont les mêmes : l’évasion, l’immersion, le temps d’un week-end, la recherche de sensations fortes à travers le jeu, en toute sécurité. Sur ce point commun là, Airsofteurs et GNistes sont appelés à se retrouver de plus en plus fréquemment. Reste à nous apprivoiser mutuellement.

Merci au magazine Warsoft – photos Jacques Maraval

le site du magazine : http://www.warsoft.fr/


Viewing latest article 1
Browse Latest Browse All 9

Trending Articles